Chaima, une victime de seconde zone !

 

Les crimes, quand ils concernent les femmes de mon pays, deviennent soudain relatifs. Les connecteurs d’opposition peuplent chaque déclaration. Des mais, des si, des peut être aussi assassins de modération qu’est le crapuleux féminicide. Violenter les femmes algériennes bénéficie d’un esprit de mesure sournois, de tergiversations multiples, de compassion même envers les « pauvres » délinquants mis à l’épreuve de la tentation suprême qu’est le corps des femmes.

Et quand le crime est gros et crasseux, ils nous proposent la vengeance du sang.

Ils veulent laver, disent-ils, l’honneur, toujours le leur,  par la loi du talion. Un pour un et on n’en parle plus. Jusqu’au prochain !

En attendant, couvre toi femme, reste dans ta maison, ne réponds pas à l’harceleur,  baisse les yeux, tu n’es que provocation ! Cède ta place à ton frère, renonce à ton peu d’héritage, pardonne à ton agresseur. Ce n’est que des coups qui lacèrent ton corps. Ils disparaitront.  Regarde, c’est écrit dans la loi que tu es mineure. Et les lois sont justes, n’est ce pas ! Surtout celles dites au nom de dieu. Ce qu’ont dit toutes les inepties au nom de la nouvelle religion. Ils savent les imposteurs que personne n’ira vérifier leurs mystifications. Voilà pourquoi ils veillent à ce qu’on ne parle qu’une seule langue, qu’on ne voit qu’eux comme l’œil du cyclone au milieu du front.

Chaima ! Ton assassin a brulé tes dix neuf printemps. Il a usé de ton corps avant de le martyriser, puis il l’a carbonisé pour l’offrir aux démons qui s’agitent dans son cœur malade. Mais la horde de voyeurs aveuglés par le mépris et la haine des femmes diront que tu es coupable. Ils balbutieront quelques formules de miséricorde  pour mieux manger la chair tendre de ton enveloppe suppliciée. Ils fouineront comme des rats ta vie et ton téléphone pour y trouver ce qui te rendra blâmable. Coupable d’avoir affiché un beau visage non voilée. Coupable d’avoir voulu aimer, exister. Coupable d’être une jeune femme dans un pays qui ne cesse de trahir sa moitié. Ah, s’ils pouvaient faire parler tes parties intimes, ils diraient que tu l’as sans doute méritée. D’ailleurs, certains disent déjà qu’on t’a mal éduquée. Pourtant tu as eu le courage de te plaindre, mais la justice n’a pas retenu ton violeur longtemps. Comment croire dans une justice qui s’avère laxiste quand il s’agit de violences faites aux femmes ?

Parlons de ces violences faites aux femmes qu’on ne considère qu’avec un œil dédaigneux. Elles ne sont jamais graves ces satanées violences  jusqu’à ce qu’elles tuent. Depuis le début de cette année, on recense près de quarante femmes assassinées. Il en existe certainement davantage, car les maltraitances prennent moult visages et les statistiques pas toujours tenues. Les victimes, en plus d’être invisibilisées, ne connaissent pas ou peu leurs droits. Elles subissent l’anesthésie confessionnelle des gardiens autoproclamés de la foi. Ils dégotent un hadith glané dans une époque égaré à chaque abus. La culture de la soumission est travaillée au burin. La culpabilité d’être née femme n’est jamais très loin dans un pays qui promet le paradis aux mères pour l’éternité. En attendant, ici bas, c’est l’enfer qui brûle dans le cœur de la mère de Chaima et de tant d’autres affectées.

Toutes les femmes qui militent pour l’égalité des droits devant la loi ne pourront consoler celles et ceux qui ont perdu leurs mères, sœurs, amies, voisines, cousines dans les tragiques circonstances du féminicide. On a la rage de l’injustice qui foudroie nos consciences et toute la peine qui accable notre émoi car seules à tirer toutes les alarmes.  Mais l’État, les institutions, et les instances censées protéger et défendre les femmes peuvent faire en sorte qu’il n’y’ait plus d’autres Chaima. Si seulement ils le voulaient réellement. Plus encore, tous ces hommes qui disent être amis de notre cause, et je les crois, doivent lutter de manière ostentatoire. Il n’est plus toléré d’acquiescer uniquement avec le cœur et l’intention. Ou vous nous aidez à changer le cours de l’histoire, ou nous aurons bientôt notre Afghanistan. Les géhennes ne sont pas toujours dans les cieux.

 

 

 

 

 

 

 

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