Conversion de deux églises en mosquées par Erdogan : l’historien Peter Frankopan s’inquiète

Un mois après la reconversion de la somptueuse basilique de Sainte-Sophie en mosquée, Recep Tayyip Erdogan exige une nouvelle fois que soit reconvertie en mosquée une autre vieille église  construite par les Byzantins et datant du Vème siècle : il s’agit de Saint-Sauveur-in-Chora, également appelée La Chora.

Dans le cadre d’un entretien accordé au journal français Le Point à ce sujet, l’écrivain et historien britannique Peter Frankopan, a expliqué que « historiquement, Erdogan a marqué contre son camp » en s’acharnant sur la transformation de ces célèbres églises en mosquées. Pour Frankopan, il est « vraiment regrettable que des lieux d’une importance aussi profonde pour les gens de toutes les confessions, mais aussi pour ceux qui ne croient pas, soient utilisés pour faire des déclarations politiques et projeter à la face du monde l’image d’une nouvelle Turquie néo-impérialiste intervenant partout, du Moyen-Orient à l’Afrique du Nord, dans les eaux européennes mais aussi dans son histoire… » Il explique ce comportement du néo-sultan turc en ces termes : « Avec l’effacement des traces grecques et chrétiennes que sont Sainte-Sophie et la Chora, Erdogan, qui a par ailleurs des problèmes dans son pays, s’invente des batailles qu’il peut gagner. »

Se disant désespéré, l’historien britannique a également souligné : « Cette décision, qui vise à prouver, symboliquement, que les Turcs ont conquis l’Ouest, me semble être stérile, et dangereuse. On a l’impression qu’Erdogan se prend pour Jules César et nous refait le coup de « Venividivici » (« Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu »). Mais vaincu quoi ? On ne construit rien avec ça. On aggrave les divisions. Bien sûr que l’État turc et le peuple turc ont le droit d’administrer et de préserver leurs monuments comme ils le souhaitent, et que suggérer le contraire pourrait procéder d’une forme de colonialisme culturel. Mais, dans ces cas particuliers, la question n’est même pas de savoir si Erdogan a le droit de changer le statut de Sainte-Sophie ou de la Chora, mais pourquoi il souhaite le faire – et pourquoi maintenant… ».

Par ailleurs,  Peter Frankopan estime que les garanties données par les autorités turques quant à la protection des ces monuments ecclésiastiques converties en mosquées ne sont pas si rassurantes qu’elles ne le prétendent. « Jusqu’à présent, on nous dit que les mosaïques seront cachées par des effets d’éclairage, des sortes de lasers, lors des prières musulmanes, et qu’elles ne seront ni endommagées ni recouvertes. Je ne sais pas si ce système fonctionne ou si un tel système est possible. On nous dit également qu’il y aura six mois de travail pour entreprendre des travaux et installer une telle ‘‘protection’’. Mais que se passera-t-il si les travaux ne sont pas adéquats ? Si ces lumières endommagent les peintures ? Ou si des extrémistes exigent une interdiction totale des images. Faudra-t-il les contenter ? » a-t-il déclaré.

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