« L’État doit cesser d'organiser des festivals et laisser faire les opérateurs privés » (Ammar Kessab)

Alors que les festivals  culturels sont partout dans le monde des catalyseurs du développement économique, ils ne jouent en Algérie aucun rôle positif ni dans la culture ni dans l’économie si bien que leur annulation est systématique dés qu’une crise financière, aussi minime soit-elle, pointe. Ammar Kessab, expert en politiques culturelles, nous en parle dans cette interview.

L’Algérie vit actuellement une crise économique très délicate, est-ce que continuer de subventionner les festivals est une bonne idée ?

Les festivals en Algérie ont été initiés par le régime pour se donner une bonne image à l’international ou pour glorifier ou satisfaire des personnes issues du sérail. Nos festivals sont boycottés par les citoyens et n’ont ni objectif ni audience cible. Il faut se rappeler par exemple des fameuses manifestations contre un festival de musique à Ouargla en l’été 2018. Ces festivals n’ont eu aucun impact social ni culturel sur leur territoire. Maintenant que la crise sanitaire et économique impacte les ressources du pays, il est clair que ces festivals n’ont plus lieu d’être, surtout qu’à ma connaissance aucun travail sérieux de restructuration ou de réforme n’a été engagé pour rendre ces festivals utiles, c’est-à-dire des festivals qui contribuent à l’éveil des consciences des populations, et qui génèrent des ressources financières supplémentaires pour leurs espaces d’accueil.

Quelles alternatives sont-elles possibles pour rendre nos festivals autant rentables que les grandes manifestations culturelles internationales ?

 Il faut que l’État lève sa main sur ce type d’évènements artistiques. Il doit, tout simplement, cesser d’organiser des festivals. Les opérateurs indépendants et privés doivent avoir la possibilité de monter et de réaliser librement des festivals selon les besoins rationnels et les spécificités de chaque région, chaque ville. L’État, à ce stade, peut les soutenir financièrement mais sans orienter les objectifs des festivals. Le festival est un type d’événement spécial, qui nécessite une grande liberté et une grande connaissance de la discipline artistique concernée. Il ne supporte pas la bureaucratie et a besoin de soutien pour perdurer. En Algérie, on est encore loin d’une telle configuration. Cela viendra mais à travers une refonte totale du secteur culturel.

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Quel rôle pourraient jouer les festivals dans la promotion de l’espace ? Et quelles synergies pourraient être envisagées entre les deux secteurs culturel et touristique pour le développement du tourisme culturel ?

Les festivals, bien exploités, peuvent jouer un rôle central dans le développement local. Ils peuvent être les catalyseurs du développement économique et social, en augmentant le niveau d’éducation des populations locales et en créant des postes d’emplois. L’économie de la culture appelle cela les   « externalités positives ». Ceci est directement lié au tourisme culturel, car un festival qui marche, est un festival qui attire les festivaliers de partout : ce sont des touristes culturels. Il faut savoir qu’un touriste culturel dépense en moyenne deux fois et demi qu’un touriste « classique » ou balnéaire. Vous imaginez donc les revenues qui peuvent profiter aux espaces d’accueil.

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