« L’Etat omeyyade était laïc au sens moderne du terme » (Adonis, poète)

 « Ma position est que jamais les Arabes n’avanceront tant que la religion leur servira de référence politique. Ainsi quand l’islam a conquis la Syrie qui avait connu les civilisations sumérienne et babylonienne, on a vu que les Arabes ont rejeté la civilisation en imposant l’islam aux gens », a déclaré le poète syrien Adonis dans une interview avec Libération.

Critique vis-à-vis du monde arabe, Adonis n’a pas manqué de souligné la responsabilité de l’islam politique dans cette crise, rappelant ainsi que cette religion fut autrefois une grande référence de laïcité au sens moderne du terme. « Damas a été le berceau de la civilisation arabe et Moawya (premier calife omeyyade) a été le fondateur du premier Etat presque laïc. Les Omeyyades se comportaient tous en laïcs. Un célèbre poète chrétien était reçu chez le calife et prisait devant lui le vin [Adonis récite les vers du poète]. L’Etat omeyyade était sinon laïc au sens moderne du terme, largement sécularisé. S’il avait duré, la Syrie serait un autre monde. Mais l’ère abbasside qui a suivi a tout gâché », a-t-il expliqué.

Par ailleurs, revenant sur le statut que doit occuper l’islam dans les sociétés et les textes de lois, le célèbre auteur du Tombeau de New York a souligné que « la relation entre islam et homme doit être fondée sur la loi et les libertés, or l’islam donne plus de droits aux musulmans qu’aux non-musulmans. » « La Syrie par exemple est pleine de non-musulmans. Mais le citoyen non-musulman y sera toujours de deuxième catégorie, sans les mêmes droits que le musulman. Ainsi la tyrannie est inscrite dans la structure de la société. La Syrie doit être fondée sur le pluralisme. Celui-ci n’était qu’apparent en Syrie. Pourquoi l’islam est religion d’Etat dans la constitution ? La religion doit rester une relation entre Dieu et son fidèle. Gardons la religion en pratique personnelle, sans l’imposer aux autres, ni dans la loi », a-t-il rappelé dans ce sens.

Finalement, Adonis s’est interrogé sur le devenir des pays arabo-musulmans, qui vivent aujourd’hui en dehors de la vitesse que prend le monde occidental. « Pourquoi tous les peuples du monde ont fait des avancées dans le savoir, y compris en Afrique du Sud, et pas les Arabes, rien ? Alors qu’ils ne manquent ni de fortune, ni de compétences, éparpillées à travers le monde, ni d’histoire. Ils ne manquent de rien et pourtant ils ne cessent de décliner. »

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