Rachid Benzine « met à nu » son dernier roman

Dans une interview accordée au journal français Le Point à l’occasion de la parution de son dernier roman intitulé Dans les yeux du ciel, Rachid Benzine, islamologue, écrivain et dramaturge marocain, s’est livré à des explications percutantes quant à son écriture et sa pensée.

Ce dernier roman qualifié d’intimiste, raconte le quotidien d’une prostituée nommée Nour lors du Printemps arabe. Il ne s’agit pas d’un choix mais, explique Rachid-Benzine, « un roman s’impose à un écrivain à la faveur des événements qui se produisent, aussi bien dans le monde que dans son environnement immédiat et sa propre existence. » « Mon identité marocaine, et donc mon appartenance au monde berbéro-arabo-musulman, fait que je suis presque naturellement attentif et sensible à ce qui se passe au sein des pays qui composent cet univers humain et culturel particulier, » assure-t-il.

Parlant de son aventure d’écriture de ce roman, Rachid Benzine a précisé qu’il a imaginé ce « qu’une personne, incarnant tous les drames et toutes les complexités de ces sociétés, pourrait vivre et dire dans ce moment-là ». Sensible aussi bien à son environnement immédiat qu’aux épopées lointaines qui ont marqué l’humanité, Rachid Benzine puise les matériaux de son écriture dans les réalités, les vérités, assaillantes du monde. « L’idée m’est venue de cette femme, prostituée, malmenée par la vie, amante meurtrie d’hommes perdus, de ce qu’elle pourrait vivre dans un moment pareil, elle qui a toujours vu l’envers de ces masques que la révolte a fait tomber, elle à qui on ne ment pas car elle sait toutes les vérités des hommes, même celles qu’on n’avoue pas », explique-t-il en soulignant que « Si Nour est prostituée, ce n’est pas un livre sur la prostitution, ni même le récit d’une femme prostituée dans un pays arabe » mais « la puissance de la parole reprise sur le déni, c’est la chair vivante contre la mort, c’est l’amour défiant la haine malade. »

Dans cet entretien époustouflant, Rachid Benzine a également indiqué que son « roman est aussi certainement une métaphore politique, mais nous rappelant surtout à nous-mêmes la violence des pulsions, le prix de la liberté, le poids des mots, la peur que font courir sur la peau le désir de vivre et ses espaces à conquérir ». Plaidant pour un monde débarrassé de fioritures du sacré qui castre et des morales qui démobilisent, il exhorte, à travers son personnage Nour et ce qu’il en dit, à accepter la réalité comme elle est.  « Nour se met à nu dans son activité prostitutionnelle, mais elle met aussi à nu ses clients, parmi lesquels des puissants. Elle met à nu la société qui, en même temps, la stigmatise. Nour signifiant en arabe ‘‘la lumière de la Lune ‘’, celle qui, dans le désert, guide au milieu de la nuit. J’ai choisi ce prénom pour suggérer que, peut-être, l’aube viendrait une fois que seraient reconnues, réhabilitées et acceptées les personnes comme elles, » conclut-il.

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