A l’école de la dignité

Ils sont déjà sur place. Bientôt rejoints par des ribambelles d’enfants. Surexcités. Agités. Qui seront tassés dans des classes surchargées. Par grappes d’une quarantaine. Parfois plus. Même si la calamité pandémique a atténué, quelque peu ce bourrage intensif. Avec l’introduction de quelques aménagements. Et parfois un propice allégement Et c’est tant mieux. Pour toutes ces enseignantes et tous ces enseignants qui méritent respect et considération. Pour leur abnégation. Ces travailleurs dignes dont l’honorable métier est scandaleusement dévalorisé. Depuis des lustres.Tous paliers confondus. Avec des conditions de travail lamentables. Et des salaires outrageusement pitoyables. Des salaires qui ressemblent à des injures. Avec ces quelques pièces de monnaie grise, qu’on leur jette lestement à la figure. En guise d’émoluments. Des enseignants qui tirent leur maigre pitance uniquement de ce salaire rachitique. Qui se met, chaque fois, à jouer à la marelle sur les cases du calendrier. Des salaires qui empruntent de tortueux itinéraires. Et qui se perdent parfois dans les dédales inextricables d’une bureaucratie absurde. Championne des procédures stupides. Des enseignants qui attendent mensuellement leur semblant de paie pour survivre. Et faire patienter, quelque peu, les besoins désespérés de leur progéniture. Ces enseignants dignes, qui ont refusé de sombrer dans la trappe putride de la cupidité des cours particuliers. Dispensés hâtivement dans les garages. Cette contrebande, impunie, de l’apprentissage. Erigée en commerce juteux du bachotage. Toutes ces enseignantes et tous ces enseignants, intègres ont refusé cet ignominieux marchandage. Et c’est pour cela qu’ils sont réduits au rang de paria par un système pervers. Qui a toujours tenu en sainte horreur tout ce qui peut se rapporter à l’éducation, à la culture et de façon générale au savoir. Une engeance qui n’arrête pas d’avilir tout ce qui se trouve en relation avec l’enseignement, l’instruction et la formation.  C’est sa façon de prendre sa revanche sur ce qui lui tient  de trou noir. Car elle exècre l’école, pour ne l’avoir jamais fréquenté. Squattant les sphères brumeuses du pouvoir, selon l’inamovible principe de l’antécédence.  Dépréciant. Déconsidérant. Humiliant. Et avilissant une profession qui reste sans doute, le dernier bastion à l’abri de la gangrène générale. Échappant encore à la chape des combines institutionnalisées et banalisées. Que l’incompétence régnante et la malgouvernance prégnante peuvent se targuer d’avoir universalisé. En mettant sur le devant de la scène et en protégeant assidûment des ignares accomplis. Toute la faune des fraudeurs délurés et des opportunistes invétérés. Qui engloutissent des centaines de millions par jour, juste pour faire de la figuration.  Et de l’exhibitionnisme effronté. Ces histrions qui refusent obstinément une augmentation de salaires, bien méritée pour ces honnêtes travailleurs de l’éducation. En revalorisant ce métier bâtisseur de citoyenneté. Porteur de dignité. Un métier qui ressemble à une mauvaise conscience pour tous les dignitaires frelatés. Malgré la langue de bois dont ils usent abusent à satiété. Un métier qui rappelle continûment leur tare originelle à tous ceux qui lui font mordre la poussière. Avec acharnement. Jusqu’à l’extinction définitive de la flamme ténue de l’intelligence qui danse timidement sous leurs bottes. Mais qui leur brûle ardemment la conscience. En rallumant constamment ce qui leur fait âprement défaut. La flamme inextinguible de la connaissance.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *