Culture de circonstance et culte de souvenance

Près de vingt fois le budget alloué à la culture. Et mille fois sa charge symbolique. Pour l’inamovibilité d’une souvenance. Erigée en intouchable évidence. Une évidence canonisée. Puis béatifiée. Avant d’être irrévocablement consacrée en redevance. En dette nationale due advitam aeternam par tous les Algériens et leur descendance. Une dette inexhaustible justifiant l’octroi faramineux de toutes sortes d’agréments. Au sens propre et figuré. Toutes sortes de gratifications offertes à une coterie en voie de disparition. Ce qui incline à penser, en toute logique, que la colossalité des faveurs accordées à ce cénacle, au détriment de la culture, doit aller en s’amenuisant. Mais non, la part accordée à la culture, aux arts, aux loisirs, à la création et à l’épanouissement culturel de la société algérienne se contracte drastiquement. Se traîne piteusement loin derrière cette outrance sonnante et trébuchante. Un département culturel rabougri, censé, pourtant, travailler en direction de l’avenir. En direction du devenir de catégories sociales en quête de sens. Et qui sont les premières à s’étonner de ce discriminant saisissant. Pour, au moins, deux raisons. D’abord le caractère lointain de cet acte séquentiel, historiquement daté. Plus d’un demi-siècle. Une séquence qui n’a rien de prégnant pour une jeunesse toute en inquiétudes, toute en interrogations et en insondables appréhensions. Ensuite, et surtout, une conjoncture économique brumeuse incitant, plus que jamais, à une draconienne rationalisation. Pour ne pas dire à une stricte parcimonie. Un contexte d’incertitude chargé de privations et de frustrations. Aggravées par un inexorable processus de précarisation. Ainsi, au caractère évanescent de cette séquence historique du passé, s’ajoute l’incompréhension de la prodigalité prodigieuse du présent. Alors que pour valoriser toute page de tout fait mémoriel passé, il s’agit d’accorder prioritairement sa considération, pleine et entière, à la culture. Assurer la préservation de la mémoire commune par l’intelligence de la sensibilité. Par la force de l’imaginativité. Une préservation par la recherche, la réflexion, la création, les arts, l’imagination et l’inventivité. Au lieu de la figer dans une image délustrée. Une image encore plus flétrie, depuis l’épisode des faussaires éhontés et des bravoures frelatées. Conjugués à la provocante distribution d’avantages mirobolants à de troubles ayants droit.  Et même à des ayants gauche. À des ayants centre, des ayants dessous, des ayants dessus et des ayants-ayants. Une cohorte interminable d’ayants quelque-chose, aussi vagues qu’indéterminés. Et qui jouissent de l’exceptionnalité d’ignorer tout procès biologique d’extinction. Grâce au miracle de leur reproduction à l’infini. Au point de faire douter toute la société. Douter de la sincérité même de leur engagement passé. Et de leur foi en des valeurs pour lesquelles beaucoup de probes et intègres Algériens ont laissé leur vie. Pour que vive une Algérie digne, intelligente et cultivée. Beaucoup d’entre eux y ont cru. Beaucoup y croient encore. Même si dans la galaxie officielle, la stature de la culture semble de paille et le culte mémoriel d’airain.

 

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