Idir, notre père « à tous » tire sa révérence

Idir, celui dont le nom appelle à vivre et dont la carrière se veut une hymne interminable à la vie est décédé ce soir à Paris à l’âge de 71 ans des suites d’une maladie qu’il traîne depuis des mois. C’est ce qui a été annoncé par ses enfants aujourd’hui. « Nous avons le regret de vous annoncer le décès de notre père (à tous), Idir le samedi 2 mai à 21h30. Repose en paix papa, » lit-on sur sa page facebook officielle.

Idir, de son vrai nom Hamid Cheriet, est né  né le 25 octobre 1949 à Ait Yenni, à Tizi-Ouzou. Issu d’un milieu familial baigné dans la culture et la tradition orales berbères, l’imaginaire du troubadour kabyle se nourrit de poésie et des contes racontés par sa mère et sa grand-mère : « J’ai eu la chance d’avoir une grand-mère et une mère poétesses, » indique-t-il à un journaliste, « on venait de loin pour les écouter. J’ai baigné dans l’atmosphère magique des veillées où l’on racontait des contes et des énigmes. Dans une société de culture orale, la valeur du mot est immense. La capacité à ciseler les mots, à inventer des images, est aujourd’hui encore très prisée chez nous, » ajoute-il.

À la manière de tous les fils des bergers, Idir se transforme en berger après la sortie de l’école, ayant toujours sa flûte sur lui et, « dès qu’une mélodie lui vient, il la teste d’abord à la flûte ». Son installation à Alger pour s’inscrire au lycée lui a réservé une surprise : celle d’apprendre la guitare, mais dès ses premiers tâtonnements sur ses cordes, son implication dans sa culture d’origine l’a vite poussé à reproduire les cadences et les percussions traditionnelles, celles qui résonnent la voix des ancêtres. Portant la musique en lui-même, Idir entreprend des études en géologie jusqu’à ce que l’occasion de faire entendre la voix du rossignol qui est en lui se présente. C’est un événement de l’ordre de l’inattendu, de l’imprévu  qui le fait connaitre en 1973 sur la Radio Alger en interprétant une berceuse signée son premier succès et intitulée Rsed A Yidess, signifiant « Que vienne le sommeil ». Après cela, il enregistre la chanson qui fait frémir d’émotions, A Vava Inouva.

L’an 1975 est significatif pour le dénommé Hamid Cheriet après son départ à Paris, ville où il enregistrera son premier album avec la maison de disque Pathé Macroni, l’album se baptisera A Vava Inouva et la chanson se traduira  en 15 langues et sera le premier grand tube venu directement d’Afrique du Nord. Les succès s’enchaînent et Idir continue de briller dans son genre de musique, de défendre sa culture d’origine tout en la diffusant partout lors de ces concerts. Difficile de se reconnaitre dans le monde de l’Industrie du spectacle, Idir décide de s’éloigner des concerts pendant presque une dizaine d’années, mais son retour déstabilisera les musiciens de son époque en le voyant escalader l’estrade de l’Olympia le 26, 27, et 28 juin 1993.

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Le répertoire musical d’Idir participe pleinement au renouvellement et à la préservation du patrimoine culturel algérien en général et kabyle en particulier. Sa musique est aussi singulière que représentative d’une grande culture ; elle se veut universelle par ses thèmes abordés dont l’amour, l’exil et la nostalgie. Son art incontournable résonne toujours dans l’esprit de ses admirateurs. Cet art traditionnel porté à l’universalité par de simples instruments de musique, une voix et une volonté indestructible de représenter une culture et de l’arrimer au monde ne peut être que l’œuvre d’Idir. « Je chante des airs traditionnels, des thèmes de culture. Je venais de ma Kabylie natale (…) et quand on vient de Djelfa, de Tizi ou d’ailleurs, on pense que la culture du monde s’arrête à son village. Après, quand on arrive à Alger, on rencontre beaucoup de gens différents et forcément, les chansons, les mots que l’on va chanter vont être différents en fonction des gens que l’on rencontre et des influences que l’on subit. Donc, il fallait à un moment que je sorte des jupons de ma grand-mère pour m’intéresser à des sujets plus larges. Je me suis rendu compte que la planète n’était pas que kabyle, simplement, » a-t-il déclaré en juin 2003 à Liberté, en marge du festival des musiques du monde de Tabarka, en Tunisie.

Idir nous quitte après avoir bercé nos nuits et peuplé nos vie de rêves et de belles émotions. Sa flûte est à la fois l’appel des racines, des ancêtres, et un mouvement vers l’autre, une promesse de solidarité et d’ouverture sur les cultures. Il compte aujourd’hui parmi les plus grands artistes algériens et son répertoire, à la fois ancré dans la tradition nord-africaine et ouvert sur les musiques du monde, constitue un terrain d’exploration pour les chercheurs en musicologie et une source d’inspiration inépuisable pour les nouvelles générations d’artistes.

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