« Les rêves perdus » de Med Améziane Tadjer, drame d’une société qui se cherche

Mohamed Améziane Tadjer est né le 15 janvier 1945 à Taourirt El Hadjadj ( Ath Yenni) à Tizi-Ouzou. Il a fait ses études d’abord dans sa commune pour les poursuivre ensuite hors du bercail. Il a suivi une formation dans l’enseignement avant de terminer sa carrière comme directeur de collège. Retraité depuis 2004, il se consacre à l’écriture et à la couverture de l’actualité en tant que correspondant de presse.

Dans Les rêves perdus, recueil de nouvelles paru aux éditions La Pensée, c’est un condensé d’une douzaine d’histoires authentiques qu’il s’agit. Elles relatent fidèlement l’endroit et l’envers de notre quotidien afin que, espère l’auteur, «  nous nous regardions dans le miroir qui reflétera réellement notre vrai visage ». Dans ce petit livre de poche, il ne déroge pas à l’écriture de son premier recueil de nouvelles, Les âmes déchirées, respectant la linéarité de la trame narrative,   dans lequel  cet auteur  a voulu mettre en scène des histoires vécues et réelles puisées  dans notre société en pleine mutation. «  C’est le fruit d’une longue écoute et d’un travail de collecte d’informations. Étant enseignant puis directeur dans un collège, j’eus la chance d’écouter non seulement des villageois de plusieurs localités de la Kabylie profonde mais aussi des parents d’élèves, des fonctionnaires et même des élèves. Cela m’a permis de déduire que notre vécu n’est pas du tout reluisant. Les familles ne se retrouvent plus, l’autorité mentale n’est pas la même, la génération actuelle a perdu ses repères. C’est la déchirure violente entre des êtres  qui se séparent aussi vite qu’ils se sont rencontrés, » pense-t-il.   

Dans ce même recueil, il est à préciser que certains récits sont des nouvelles éducatives (parents-enfants).  En fait, c’est dans les entrailles de la société kabyle en pleine dislocation que l’écrivain a puisé, grâce à  ses expériences d’éducateur dès le début de sa carrière, en pénétrant les secrets de   familles villageoises ; il étale dans ses récits  leurs frustrations,  leurs illusions,  leurs tourments, leurs  joies et malheurs.  Il s’intéresse également aux conséquences collatérales  induites par l’émigration de la première génération d’Algériens partis  en France,  laissant  derrière eux familles, femmes et enfants en quête d’une vie meilleure et dont certains sont allés jusqu’à abandonner tout pour  refaire leur  vie dans cet ailleurs «  enchanteur ». Par ricochet, psychologiquement et historiquement  parlant,  ces  histoires douloureuses  vécues par ces femmes avec enfants en bas âge,  sont des cas d’école de vie où la femme est soumise aux traditions et au us villageois sans commettre d’écart au risque de tout perdre dans une société impitoyable. C’est la condition de la femme en général et la femme kabyle en particulier qui est mise en relief dans certains récits ô combien poignants. 

Il est vrai que c’est un recueil à lire d’une seule traite, au nombre de ses pages, mais il est aussi intéressant de souligner que l’auteur a , avec force détails,  su comment exprimer les rapports entre familles et entre générations dans un contexte où la technologie avance de manière rapide et avec  une virulence qui dévaste toutes les valeurs  en vigueur jusque-là qui sont, il faut le dire, déjà en perte de vitesse.  À noter par ailleurs que ces nouvelles, dont certaines ne portent pas de titre, sont  en quelque sorte  une analyse de cette société à laquelle est reproché le fait de perdre son authenticité et ses valeurs ancestrales et leur charge pédagogique historiquement construite et socialement efficace. L’auteur des rêves perdus  ne compte pas s’arrêter à ce stade  en dépit de son âge avancé puisqu’il promet déjà l’arrivée sur les étals de cinq autres petits fascicules de douze nouvelles chacun.

Mohamed Améziane Tadjer, Les rêves perdus, 80 pages, Editions La Pensée, 250 DA

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