Quand l’annulation des festivals devient une aubaine

Comme dans tous les autres pays, les manifestations culturelles qui devaient se tenir en Algérie sont toutes reportées en raison de la pandémie de Coronavirus.  C’est le ministère de la culture qui l’a officiellement annoncé. Si dans plusieurs pays étrangers, l’annulation des événements culturels est synonyme de pertes économiques considérables, paradoxalement en Algérie cela est considéré comme une aubaine pour l’économie du pays déjà lourdement frappée par les chutes des prix de pétrole. C’est dire l’insignifiance de la contribution du secteur de la culture au PIB.

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En effet, outre le Festival international de théâtre de Bejaïa qui s’est déroulé dans l’indifférence totale, voire en catimini, le Festival national du théâtre professionnel d’Alger, reporté une première fois à cause des évènements politiques du pays, vient d’être reporté à nouveau à une date ultérieure en raison de la crise sanitaire. Il est attendu à ce que tous les autres évènements culturels inscrits dans l’agenda de cette année, entre autres le Festival international du film arabe d’Oran et le festival national du théâtre amateur de Mostaganem, programmés en été, soient reportés. Or, ni ces reports, ni d’éventuelles annulations ne semblent susciter des interrogations, hormis, peut-être, dans les milieux directement concernés. Car, fait flagrant, ces manifestations culturelles, qui engloutissent pourtant des sommes faramineuses depuis plusieurs années, sans publics, ne sont plus qu’une occasion de rencontres entre artistes et de conférences de spécialistes dans des salles quasiment vides.

À l’étranger, de nombreux festivals ont annoncé l’annulation des éditions 2020. Toutefois, compte tenu de leur impact économique et culturel considérable, ces reports sont vécu comme des d’énormes préjudices à l’économie des pays d’accueil. C’est le cas du Festival Boom d’Idanha-a-Nova (Portugal) qui accueille plus de 30 000 participants pour chaque édition, selon le site du festival. « 40 000 personnes avaient déjà acheté leur billet, dont 85% viennent de l’étranger » affirme un organisateur à la chaine d’info Euronews en précisant : « Boom a eu, en 2018, des retombées économiques de 56 millions d’euros pour le Portugal et environ 2.5 millions d’euros dans la région d’Idanha-a-Nova. On sait déjà que le report du festival aura d’importantes conséquences économiques sur la région ».

Autres festivals et autres ambiances, à Avignon comme à Vienne en France, les manifestations culturelles devaient rassembler plus de mille artistes et des centaines de prestataires, fournisseurs et intermittents. Le syndicat national des spectacles musical et de variété estime les pertes pour le secteur à environ 590 millions d’euros, rien que pour la période allant du début mars à la fin mai. Pour Avignon, le plus grand festival de théâtre du monde qui accueille annuellement plus de 700 000 visiteurs, estime ses pertes économiques à « 100 millions d’euros » selon Cécile Helle, maire d’Avignon.  À Avignon, l’annulation du festival signifie systématiquement l’arrêt de coopératives, associations, comédiens, musiciens, régie, sécurité, brasseurs et métiers de bouche, hôtellerie, loueurs de matériel, transporteurs, prestataires, commerçants, médias, etc.

Fringe Festival d’Edimbourg (Ecosse) et lui aussi sérieusement touché par la crise sanitaire.   « sans ce festival d’art et de spectacle, l’impact sur les retombées touristiques sera colossal. Les pertes économiques s’élèvent à 200 millions euros, » indique-t-on sur Euronews.

Le Marrakech du rire (Maroc) aussi n’aura pas lieu en raison du Covid 19, a annoncé Jamel Debbouze, fondateur du festival. La 10emeédition devait accueillir près de 80 000 festivaliers et 70 millions de téléspectateurs, ce qui impactera sensiblement le tourisme marocain.

L’annulation des manifestations culturelles paralyse tout un écosystème créé autour de ce moteur de valorisation du territoire et de la culture locale.

En Algérie, organisation hasardeuse, gratuité d’accès, manque d’informations et de communications, manque de qualité artistique chez les participants, manque de synergie entre secteur touristique et secteur culturel, etc. Tout cela fait que les manifestations culturelles subventionnées par l’État ne sont ni plus ni moins qu’une gigantesque gabegie d’argent et d’énergie.

Le Festival national de théâtre amateur de Mostaganem, créé en 1967, le plus ancien festival en Algérie, organisé annuellement en plein été dans une ville côtière de surcroit, n’arrive toujours pas à s’assurer une autonomie. Car, en effet, ce festival qui dure généralement trois jours dans une ambiance insipide, coûte à la mairie de Mostaganem 10 millions. Un budget considérable injecté uniquement pour que le pionnier des festivals puisse perdurer sans se soucier pour autant de son dysfonctionnement. Idem pour presque toutes les autres manifestations du pays, excepté Racont’art de Tizi-Ouzou et Alger’Rire d’Alger, ou encore le Salon International du Livre d’Alger, lesquels ont su mettre en place une politique en phase avec les attentes du public et les exigences de l’environnement économique, social et culture du pays.  

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