L’histoire de l’écriture : de la tablette d’argile à la tablette tactile

L’écriture est un concept caméléon et transfuge qui représente la pensée par le biais des signes graphiques marquant la genèse de l’histoire humaine. Difficile à baliser soigneusement ses confins historiques et à tracer minutieusement son évolution diachronique. En effet, les  études menées sur l’origine de l’écriture et l’inscription de l’écrit restent hypothétiques et tumultueuses : du cunéiforme au hiéroglyphe en passant par l’idéogramme. Cette évolution/révolution graphique illustre la diversité des signes d’écriture et la richesse de la pensée humaine. Le changement de l’écriture, au fil du temps, exprime l’évolution de la pensée et de la structure sociétale, car il s’agit d’une causalité construite réciproquement.

De la tablette d’argile…

Les premières écritures remontent au 4ème milliaire av. J.-C. affichant la rupture accentuée avec la Préhistoire et la naissance de l’homo sapiens, les premières traces furent trouvées en Mésopotamie – mot composé « mésos » signifie  entre, au milieu…  et  « potamos » fleuve  – qui est une région située entre le Tigre et l’Euphrate, dans l’Irak actuel. Les deux civilisations mésopotamienne et sumérienne eurent besoin d’inscrire les choses. Dès lors, un système d’écriture fit son apparition avec des signes figuratifs ou des pictogrammes et des phonogrammes incarnés dans des représentations schématiques. Ce système porta le nom de cunéiforme, tirant son étymologie du nom « coin », car il s’agissait des formes cubiques imbriquées les unes dans les autres.

Les supports d’écriture furent la tablette en argile et le calame sous forme de roseau taillé en pointe. La tablette put service de noter les mots, en l’exposant soit au soleil soit au feu. Pour l’écriture à court terme, la tablette d’argile fut exposée au soleil pour pouvoir l’effacer et réécrire à nouveau. Tandis que l’écriture destinée à longue durée, la tablette fut cuite au feu.

Deux siècles plus tard, nous témoignâmes de l’émergence d’autres types d’écritures : le hiéroglyphe« hiéros » signifie sacré et « glyphe » désigne caractère – en Egypte antique tracée sur des rouleaux de Papyrus[1]. Après la découverte de la Pierre rosette[2], cette écriture fut déchiffrée par Jean-François Champollion, en 1822, pour être comprise. Les idéogrammes[3], en Chine, apparaissaient aux alentours de 1100 av. J.-C., furent des symboles graphiques représentant un mot ou une idée.

Cette évolution remarquable permit la mutation de la civilisation dite orale à la civilisation écrite, où la phonie se convertit en graphie.

…à la tablette tactile

Appelée tactile, électronique ou numérique, elle permet d’accéder à des ressources multimédias via la navigation sur le Web, la consultation des courriers électroniques… On doit ce terme à la société Pilgrim, dont les fondateurs étaient de Thomson-CSE[4]. Ils avaient conçu et commercialisé des écrans tactiles en 1999. Grâce à son ergonomie, la tablette et/ou Phablette se retrouve à la disponibilité de toutes les tranches d’âge : adolescente, jeune, adulte…

Elle dispose d’un espace de stockage des ressources multiples, des ports comme USB, PCMCIA/PC, Wi-Fi… Ces fonctionnalités poussées permettent la navigation via les liens hypertextuels et l’écran tactile.

Le basculement de la phonie (oralité) vers la graphie, puis vers le numérique chamboule le mode de perception et la conception du monde. En effet, noter les choses permet d’immortaliser les idées et de sauvegarder le monde ; média-tiser le monde revient à renouer des liens et à avoir accès à une panoplie de ressources ainsi qu’au traitement du texte. Cet apport considérable permet au lecteur de retravailler le texte et de le restructurer, voire le réécrire, en annonçant implicitement l’évanouissement de l’auteur[5] et en imposant un cran d’arrêt, comme le dit Roland Barthes : « La naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’auteur ».[6]

L’écrit permet l’éternité et la satisfaction de soi, car écrire c’est libérer son pot mémoriel et graver éternellement sa pensée.

Youcef BACHA, doctorant et jeune chercheur en didactique des langues, en linguistique et en littérature française. Attaché au laboratoire de Didactique de la Langue et des Textes, Université de Ali Lounici-Blida 2 (Algérie).

 

Référence bibliographique

Marie-Anne PAVEAU et Georges-Elias SARFATI, Les grandes théories linguistiques : de la grammaire comparée à la pragmatique, Armand Colin, 2003.

 

[1] Une feuille fabriquée à partir des tiges d’une plante.

[2] Fragment de stèle de l’Egypte antique fut découvert par l’expédition française.

[3] L’invention de l’écriture : retour sur cette grande aventure – Geo.fr

[4] Qui est l’inventeur de la tablette tactile ? Consulté le 28 novembre 2020. Qui est l’inventeur de la tablette tactile? – Top For Phone (top-for-phone.fr)

[5] Interpréter le texte  indépendamment de son auteur.

[6] Barthes, « La mort de l’auteur » pdf (leschroniquesdemarcel.blogspot.com)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *