La splendeur de Cordoue… De Abd al Rahman III à al Hakam II

Ce sera Abd al Rahman III qui, en 912, dès son arrivée au pouvoir, entreprendra la transformation du territoire fragmenté d’al Andalus, en un État centralisé, étouffant définitivement l’insurrection d’Ibn Hafsun par la conquête de Bobastro en 928.

Il se proclame donc calife indépendant… Cela initie une époque glorieuse sous tous les aspects. Il centralise sa politique et son économie, réduit les factions de son armée, consolide les structures de l’État, pactise avec les royaumes chrétiens, et entretient des relations avec Byzance, les Francs…

Cordoue, (la « Qurtuba » musulmane, Córdoba espagnole), se transforme alors en la ville la plus éblouissante du monde civilisé : elle possédait plus de mille mosquées, plus de huit cents bains, un système d’urbanisation avancé, un commerce varié et florissant ; elle illumina ses rues (elle devança en cela Londres ou Paris de 700 ans), et surtout édifia la mosquée la plus grande et la plus belle du monde occidental, ainsi qu’une ville palatine de rêve : Madinat az-zahra, sur la toute proche sierra.

À l’ombre des solides remparts de la ville cohabitaient musulmans, juifs et chrétiens. L’antique culture classique presque oubliée, Cordoue conquit de nouveau l’Occident grâce à des érudits qui pouvaient être musulmans, comme le philosophe Ibn Rochd (Averroès), mais également juifs tel le médecin-philosophe Ibn Maymun (Maimonide).

Durant ce siècle d’or, la Cordoue du  califat devint le cœur de la civilisation, un heureux pont, une plate-forme entre l’Orient et l’Occident. Les califes suivants consolidèrent cette splendeur : al Hakam II agrandit la mosquée et créa la plus grande bibliothèque d’Europe de tout le Moyen-âge. Elle se trouvait dans son palais de Cordoue et était d’une richesse incomparable. Elle comprenait pas moins de quatre cent mille volumes, la plus grande bibliothèque qui ait existé en Occident pendant tout le Moyen-âge. Une véritable armée de chercheurs de livres, de manuscrits rares, de coursiers et de copistes s’activaient pour le compte du monarque, poursuivant leurs recherches bibliographiques sur toute l’étendue du monde musulman, et même au-delà de « Dar al Islam »…

Plus tard, al Mansur, le dictateur, comme on aimait l’appeler, pour rallier les « fuqaha » et les théologiens dogmatiques et intolérants, et la masse des ignorants qui les écoutaient, ordonna que l’on « expurgeât la magnifique bibliothèque califale, unique en Europe, de tous ses livres « tendancieux ».

C’est au cours des révolutions cordouanes du début du XIème siècle que furent perdus les riches trésors bibliographiques que renfermait la bibliothèque, mais aussi dans les incendies et les pillages de Madinat az Zahra et de tous les palais des dignitaires. De plus, beaucoup furent contraints de vendre leur bibliothèque en ces temps d’ébullition et de soulèvement. Mais, en dépit de tant de ravages, Cordoue restait encore à la fin du XIIème siècle selon Ibn Rochd, la cité qui possédait le plus grand nombre d’ouvrages.

On n’imagine pas à quel point les Cordouans de l’époque califale aimaient les livres. Les chroniqueurs arabes de cette période racontent par exemple que dans le seul faubourg occidental de Cordoue, plus de 170 femmes gagnaient leur vie en copiant des manuscrits.

D’un point de vue culturel, artistique et littéraire, il est difficile de faire une liste exhaustive de toutes les figures qui ont illuminé cette époque à Cordoue car cette ville connaissait en al Andalus un extraordinaire épanouissement intellectuel. Elle fut une passerelle culturelle à travers laquelle elle transmettait à l’Occident une  grande partie du savoir classique  gréco-romain perdu en Europe. Parmi les plus célèbres, on peut citer le polygraphe Ibn Hazm (994-1063) dont les œuvres principales sont La Risala, Histoire critique des religions, Le Livre des caractères, et surtout le fameux traité sur l’amour intitulé Le Collier de la colombe (Tawq el hamama) qui aurait influencé, dit-on, l’Archiprêtre de Hita et son Livre du Bon Amour (Libro de Buen Amor). On peut également citer Abu Bakr Ibn Quzman (1078-1160), inventeur du « zejel » au cours de la première moitié du XIIème siècle ; Ibn Hammud al Qabri, inventeur et créateur d’un nouveau vers métrique encore utilisé de nos jours, et qui est la « muaxxaha » ; le philosophe néo-platonicien Ibn Masarra (885-931), auteur du Livre de l’explication et du Livre des Lettres, et tant d’autres qui firent la richesse et la grandeur de Cordoue.

 

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